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Burton-rose Le Goulag Americain French 1998

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Daniel Burton~Ro.e


Le GOULAG AMERICAIN,
,

TRAVAIL FORCE
,

AUX ETATS-UNIS

Traduit de l'anglais (Etats-Unis)
par Denise Luccioni

.
L'ESPRIT FRAPPEUR

L'Es~riUrappeur

n° 30

LE TRAVAIL
DANS LES PRISONS AMERICAINES

Le Goulag americain,
travail force aux Etats-Unis
Titre original: The Gelling ofAmerica,
an inside look at the US prison industry (part IV).
Monroe (Maine), Common Courage Press, 1998.
Dessin de Stephane Blanquet

L'Esprit frappeur
7/9, passage Dagomo - 75020 Paris
© 1998, Daniel Burton-Rose, Dan Pens and Paul Wright.
~

1998, L'Esprit frappeur (NSP), pour la presente edition.
ISBN: 2-84405-062-X

A

n'est plus significative du
systeme americain que celle, particulierement complexe,
de 1'emploi des prisonniers.
D'abord et avanttout, aucune prison du pays ne pourrait
fonctionner sans les prisonniers qui s'occupent de la cuisine,
de la lessive, de 1'entretien et du gardiennage. C'est pourquoi
les etablissements du type centrale et les prisons de haute
securite (ou les detenus sont confines dans leur cellule entre
vingt-deux et vingt-quatre heures par jour) sont toujours
installes a proximite d'un etablissement du type centre de
- detention. Les detenus presentant une dangerosite moindre
~ s'occupent des quartiers d'isolement, sinon Ie cout de salaries
" '\
~ du « monde libre » pour prendre en charge les centrales ou
~ n'iroporte quel etablissement de haute securite serait rapide~ent prohibitif.
Cependant, dans la majorite des etablissements, l' entretienjournalier n'occupe qu'un quart aun tiers des detenus.
""-Que
faire des prisonniers inactifs ?
<::
:0 Les textes suivants explorent les solutions imaginees.
Mais ces « solutions» ont des consequences qui depassent
UCUNE PRATIQUE PENALE

4

largement les murs des,prisons. L'emprisonnement constitue deja une maniere de contr6le social mais, par ses divers
effets secondaires, Ie systeme carceral contr6le, plus subtilement, la societe dans son ensemble. Voir - un exemple
particulierement eclairant - comment l'emploi de detenus
sape la solidarite entre les travailleurs de l'exterieur et leurs
acquis. Aujourd'hui, les travailleurs americains se retrouvent
au chOmage non seulement parce que les grandes entreprises se delocalisent dans Ie tiers-monde, ou la main-d'reuvre
coute moins cher, mais parce qu'elles se delocalisent egalement de plus en plus dans les prisons du pays.

ESCLAVES DE L'ETAT

Paul Wright, mai 1994

O

N AURAIT TORT de

croire que Ie Theizieme Amendement
a proscrit ou aboli l'esclavage aux Etats-Unis apres la
guerre de Secession. Selon Ie Theizieme Amendement : " II
. n'existera sur Ie territoire des Etats-Unis ou autre lieu soumis
a leur juridiction ni esclavage ni servitude involontaire, sauf
pour punir un crime, dont un individu aura ete dfiment
reconnu coupable » . Le Theizieme Amendement n' a pas aboli
l'esclavage, ill'a limite a ceux qui sont reconnus coupables
d'un crime.
Cette realite est apparue tres vite apres la guerre de
secession. Un grand nombre de Noirs a peine liberes se sont
retrouves " diiment reconnus coupables » de crimes et enfermes dans des prisons d'Etat ou ils ont de nouveau travaille
sans etre remuneres. Pratique courante, les prisons d'Etat
• louaient » leurs detenus a des entrepreneurs prives en une
forme moderne d'esclavage. D'ou la remarque de la Cour
supreme de Vrrginie dans un proces qui remonte a 1871,
Ruffin contre La Communaute : les detenus sont les " esclaves
de l'Etat ». Seu1e difference depuis cette epoque, l'Etat est
moins transparent sur ses pratiques esclavagistes.

6

7

un appel pour transformer les prisons en " usines clotuJusqu'aux annees 30, une majorite des prisons d'Etat et
rees ».Il preconise, en gros, que les prisons redeviennent
des prisons federales sont largement autarciques ; elles
autarciques, et meme sources de profit, c'est-a.-dire des
produisent des denrees alimentaires et des biens manufacentreprises necessitant un financement minimal de la part
tures, necessaires a. leur consommation, et meme de l' excede 1'Etat.
dent, qu'elles vendent. Dans beaucoup d'Etats, des prisonTandis que, pour certains, 1'esclavage (c'est-a.-dire Ie
niers sont employes comme gardes armes Gusqu'a. la moitie
travail force non remunere) offre au proprietaire des esclaves
des annees 70,1'Arkansas detient environ 3000 prisonniers
un potentiel de profit enorme,l'esclavage n'est plus, pour des
avec seulement 27 employes civils) et a. beaucoup d'autres
postes, reduisant 1'investissement financier de 1'Etat. L'autar- . raisons hisi:Qriques, Ie mode economique dominant. D' abord,
Ie proprietaire investit du capital dans son esclave : que
cie des prisons et la production excedentaire destinee a. faire
celui-ci travaille et genere du profit ou non, il faut Ie nourrir,
du profit cessent vers la moitie des annees 30, pendant la
Ie loger, etc. a. un niveau minimal, qui preserve sa valeur
Depression, car les syndicats et les industriels se plaignent
en tant qu'outil de production. Avec la montee du capitade cette concurrence sur Ie marche libre. L'une des lois alors
lisme
industriel aux XVIII' et XIX' siecles, les capitalistes
promulguees, 1'Ashurst-Sumners Act (en 1935), interdit Ie
comprennent que Ie systeme traverse des cycles de prospecommerce entre Etats de produits fabriques en prison, a.
rite et de marasme, suivant la surproduction. Par consemoins que les prisonniers ne touchent un salaire minimum.
Le travail des ctetenus ne redevient une question majeure . quent, les esclaves oisifs representent une saignee sur les
finances du proprietaire parce qu'il faut toujours les nourrir
que pendant les annees 80. Jusque-Ia., la plupart des denrees
et les loger, qu'ils travaillent ou non. En revanche, un esclave
produites en prison sont destinees au systeme penitentiaire
• hore » peut etre employe a un bas salaire, puis licencie
ou a. d'autres institutions de 1'Etat,1'exemple Ie plus courant
lorsqu'il ne genere pas de profit pour son employeur,l'esclave
etant les plaques d'immatriculation. Cela commence a. changer
remunere etant libre de mourir de faim, libre d'etre a. la rue,
avec la construction massive de prisons et les incarcerasans consequence pour Ie proprietaire.
tions a. tout va. Dans une etude de 1986 visant a. reduire
Autre inconvenient des esclaves au sens strict par rapport
les depenses du gouvernement en matiere de politique carceaux esclaves salaries, les premiers se revoltent a. 1'occarale, l' ancien juge de la Cour supreme, Warren Burger, lance

8

9

sion, detruisant les outils de production etJou tuant Ie proprie­
taire. Plus courants et moins dramatiques, des actes de
sabotage et de destruction rendent les machines inutili­
sables par Ie travail servile, de meme que l'investissement
en capitaux correspondant. Vers la moitie du XIX' siecle,
des esclaves salaries avec leurs machines complexes depas­
sent parfois en productivite, et en profit pour Ie proprie­
taire, des esclaves travaillant sur des machines moins fragiles
et plus rudimentaires.
Pour les proprietaires de l'ancienne ecole, Ie probleme
reste de savoir quoi faire des esclaves non productifs. Le
proprietaire d'aujourd'hui, I'Etat, est confronte au probleme
inverse, a savoir qu'il doit nourrir, vetir, loger ses esclaves
inactifs, qu'ils produisent ou non des marchandises de valeur.
Selon une opinion assez repandue,l'espoir d'un profit tirer
d'esclaves prisonniers vaut toujours mieux que rien.
Certains partisans de l'esclavage carceralle deguisent en
programmes de" rehabilitation" ou de" formation ", censes
donner aux prisonniers des aptitudes ou un metier qui leur
serviront aleur sortie de prison. Mais il n'en est rien. D'abord,
presque sans exception, les emplois offerts par les industries
carcerales sont peu qualifies, intensifs, subaltemes et genera­
lement confies a trois sortes de travailleurs exploites : les
ressortissants de dictatures du tiers-monde et, aux Etats-Unis,
les clandestins ou les prisonniers. L'habillement et l'indus­

a

. textile en sont les meilleurs exemples. Ensuite, etant
donne que ces emplois n'existent pas sur Ie marche du
iavail, ils ne pourront que difficilement utiliser les compe­
f.lmces acquises. Peut-on imaginer qu'un prisonnier libere aille
ercher au Guatemala ou au Salvador un boulot consis­
iaIrt a coudre des vetements pour Ie marche americain, it
mson d'un dollar par jour? Puis, s'il est question de " rehabi­
Bation ", pourquoi ne pas remunerer par un salaire minimum
. d6tenu qm. travaille ? Enfin, il faut tenir compte d'une
~te : les Etats-Unis disposent en permanence d'un volant
de huit a neuf millions de chomeurs, souvent hautement
qualifies, qui ne trouvent pas de travail remunere Ie minimum
necessaire aleurs besoins. Ces pretendus programmes" de
recyclage professionnel " sont un echec total : toutes les
formations du monde ne creeront pas des emplois correcte­
ment n~muneres. Pour maximiser leurs profits (et donc payer
. des salaires moins eleves), les firmes americaines et
multinationales delocalisent presque toutes leurs activites
de production intensive vers les pays du tiers-monde.
Les Etats-Unis condamnent sans hesiter les exporta­
tions de biens chinois fabriques en prison. C'est une hypocri­
sie criante, car on pourrait les critiquer de la meme maniere
pour les denrees produites dans les geoles americaines.
Dans certaines prisons de Californie et de I'Oregon, on
fabrique des marchandises pour les exporter dans Ie

11

10

commerce de detail. Par ~e ironie supreme, Ie DOC* de
Californie commercialise ses lignes de vetements en Asie, se
pla<;ant ainsi en concurrence directe avec les ateliers clandes­
tins d'Indonesie, de Hongkong, de Thailande et, bien sUr,
de Chine. La marque Prison Blues, fabriquee par des prison­
niers dans l'Oregon, prevoit de realiser, a l'exportation, un
chiffre d'affaire superieur a 1,2 million de dollars par an.
Des fonctionnaires du Departement d'Etat americain ont
emis Ie souhait que les DOC des Etats n'exportent pas les
marchandises fabriquees en prison, parce que cela pose
probleme a d'autres gouvemements, c'est-a-dire la Chine, qui,
chaque fois qu'on l'a critiquee, a renvoye la balle auX USA.
Mais, alors que les Chinois ont annonce un embargo sur les
~xportations de marchandises fabriquees en prison, les
Etats-Unis ont intensifie les leurs.
Les detenus de Californie, qui realisent des vetements
destines a l'exportation, gagnent entre 3S cents et 1 dollar
de l'heure. Dans l'Oregon, on paye les prisonniers entre 6 et
8 dollars l'heure. Mais on leur demande de rembourser
jusqu'a 80 % de ce qu'ils pergoivent pour couvrir les couts
de leur incarceration. Du fait qu'ils travaillent pour une
fume dont Ie DOC est proprietaire, c'est une simple opera­
• DOC, Departmrnt of Corrections, equivalrnt de l'administration #nitentiaire
au niveau jederal et de chaque Etat.

comptable : les prisonniers gagnent finalement entre
~ et 1,80 dollar. Ce qui est encore competitif, compare au

.sdaire d'un travailleur illegal dans les ateliers clandestins
Etats-Unis et a ceux verses aux ouvriers de l'industrie
'" l"habillement en Extreme-Orient et en Amerique centrale.
Selon Fred Nichols, administrateur d'Unigroup, regrou­
~nt d'industries carcerales appartenant au DOC de l'Ore­
: • Nous voulons qu'il n'y ait pas pour eux de difference
aRC Ie monda du travail exterieur .. en matiere d'entretiens
embauche et autres. Evidemment, cela ne va pas jusqu'a
accorder Ie droit aux negociations collectives ni a la
representation syndicale.
Dans les grandes lignes, la tendance s'oriente vers
=-exploitation grandissante des detenus-esclaves qui travaillent
en prison. Certains Etats, surtout ceux du Sud, Ie Texas,
rArkansas, la Louisiane par exemple, font encore travailler
:ems prisonniers dans les champs sans les payer, sous la
surveillance de gardes it cheval armes ; ils ne pretendent
ancunement les " rehabiliter » ni les " former .. ; Ie travail est
;Jbligatoire, Ie refus de s'y plier entraine des punitions severes
et prolonge les peines.
En 1977, la Cour supreme a decide dans Ie procesjones
~. North Carolina Prisoner's Labor Union *, de ne plus proteger
•Jones contre Ie syndicat de prisonniers de Caroline du Nord.

13

12

l'organisation de syndic<l;ts en prison. Les efforts des prison­
niers pour obtenir un salaire minimum par des moyens
juridiques n'ont en general pas eu de succes, car les tribu­
naux se sont debrouilles pour trouver des derogations entre
les lignes du Fair Labor and Standards Act * federal (FLSA).
Dans le Washington, I'Etat offre beaucoup d'avantages
aux entreprises privees qui emploient des esclaves prison­
niers. Les entreprises associees dites « de classe I » sont
dispensees de loyer, de frais d'etectricite, d'eau et de charges
semblables. Elles ne sont pas obligees de respecter les regles
de securite sur Ie lieu de travail en vigueur dans I'Etat ni les
regles federales, ni de verser aux esclaves des allocations de
conges payes, de chOmage et d'arrets maladie ; les esclaves
n'ont pas droit a l'organisation ni ala negociation collectives.
C'est la conception capitaliste de l'aide sociale, ou I'Etat
subventionne des entreprises privees aux frais des contri­
buables, ce qui depasse largement ce que Ie prisonnier
rembourse en impots, frais de logement, nourriture, etc.
Quand on pense que les esclaves prisonniers sont obliges de
payer les impots de I'Etat et les impots federaux sans avoir
Ie droit de voter, on peut se demander ce que cela signifie
d'etre impose sans avoir Ie droit d'etre represente. Puisqu'on
les oblige a payer des impats comme n'importe quel citoyen,
• Equivalent du Code du travail.

pretexte qu'on leur fournit un contrat de rehabilita­
oude formation, pourquoi sont-ils prives du droit de
accorde a tous les travailleurs et contribuables ?
Les travailleurs de l' exterieur devraient etre conscients
Q:s consequences pour leurs emplois de l'esclavagisme prati­
..;:£ en prison. Comble de l'ironie, en meme temps que le
mage augmente a l'exterieur, la delinquance et Ie nombre
carcerations qu'elle entrame augmentent. Qu'est-ce qui
eopeehe lie penser que, d'ici quelque temps, on ne trouvera
d'emplois necessitant beaucoup de main-d'reuvre non
~ee ailleurs qu'en prison ou dans les pays du tiers­
CiOnde, ou les gens travaillent dans les memes conditions. Et
usine cloturee coi'ncidera avec la prison sans murs.
"

A

AU TEXAS,

LES PRISONNIERS BATISSENT

LEURS PROPRES CAGES


Dan Pens, septembre 1996

L

du Texas est passee en
dix ans de 37000 abientot 145000 detenus. Acertaines
ip:lques, par manque de locaux, 35000 prisonniers d'Etat ont
.~ em: enfermes dans les prisons des comtes*. Et les tribu­
mux ont condamne l'Etat aplus de 650 millions de dollars
amendes cumulees pour surpopulation des prisons. Au d~but
des annees 90, les electeurs du Texas ont approuve un
pogramme d'expansion des prisons sans precedent, finance
par 2 milliards de dollars d'obligations ; mais, selon Wyne
Scott, directeurde la TDCJ Institutional Division**, 1,5 milliard
de dollars ont suffi. « En construisant 75000 places de prison
en quatre ans, nous sommes devenus Ie quatrieme systeme
pemrentiaire du pays, explique Scott. Et nous avons pu Ie faire
en avance sur les delais fixes et en dessous du budget aUoue. »
A POPULATION CARCERALE

• I.e • county» est une subdivision administrative correspondant plus ou moins
dipartement franrrais.
•• La direction des etablissements du Texas Department of Criminal Justice
f/:iUni.stere texan de la Justice].

16

L'Etat a pu accomplir cet, exploit" gargantuesque " et
pour la moitie du prix de revient moyen national de construc­
tion de prisons grace a deux facteurs principaux : l'utili­
sation d'un modele modulaire prototype con~u par des arcm- .
tectes maison et Ie travail non remunere des detenus.
« Presque tous les elements necessaires sont fabriques
par des detenus de notre Etat, y compris Ie lit, Ie matelas,
l'oreiller, Ie bloc lavabo-toilette, la cloison en inox, l'instal-·
1ation d'eclairage e1ectrique et la porte d'entree de la cellule,
indique Scott. Nous avons fabrique tout ce qui entre dans une
cellule, sauf 1es murs et 1es sols, qui sont en OOton coule
sur place. "
Mais ce1a va bientot venir. L'Etat compte que 1es 10000
lits encore vides a ce jour seront occupes d'ici a l'automne
1996 et il s'est deja attaque au projet d'agrandir 1es 10caux
existants, de 12000 lits supp1ementaires.
Selon Scott, Ie TDCJ a installe des betonnieres sur chacun
des futurs chantiers, ou des prisonniers non remuneres fabri­
queront les cellules en OOton.
« Ainsi, precise-toil, nous serons capab1es de construire
des cellules de haute securite pour 35000 dollars environ
l'unite. La moyenne nationale pour une cellule de ce genre
se situe entre 80 000 et 100 000 dollars. "
Toujours d'apres Scott, 1es prisonniers seront formes a
fabriquer les structures de moulage, a les installer et a

17

aJU1er 1es murs et Ie sol en ooton. TIs amenageront egalement
., °eur des cellules et 1es equipements collectifs, realisant
jIsqu'aux chantiers de peinture et de paysagisme.
Le Texas compte actuellement plus de quarante entre­
)rises installees dans ses prisons, dont une usine de mobilier
.etallique qui produit pour 1es nouveaux etablissements.
1995, ces entreprises carcerales ont produit plus de
millions de dollars en biens et en services, grace a une
..m-d'reuvre pratiquement esc1ave, non remuneree, qui
1IDail1e pour les prisons mais aussi pour d'autres institutions
,,:weI:nementales, pour des municipalites et pour des comtes.
Selon Scott, les entreprises privees n'interviendront a
hJ~ir· que pour 1a direction des chantiers ainsi qu'une
--e de l'installation de l'electricite et de la plomberie.
1es equipements e1ectroniques seront mis en place par
fabricant, pour que la garantie soit valable.

L'ECONOMIE CACHEE
DANS LES PRISONS DE L'OHIO

Danny Cahill, mars 1995 - avril 1996 (1)

·S

prisonniers abas prix, Ie
gouvernement de l'Ohio a inaugure rOhio Offshore
~Dstri'les Pnlject* (OSSn. Celui-ci demarche les entreprises
propose un contingent important de prisonniers bon
'lIIiIRh.e, ce qui peut etre plus tentant qu'une delocalisation
iIa production al'etranger. Le gouvernement espere ainsi
.....ser la tendance amorcee par les entreprises, qui se sont .
s;mnees pour diminuer leurs frais de personnel, et les faire
:I5alir ou, en tout cas, empecher que d'autres ne suivent
~exemple. Surtout, ce projet tente d'enrayer Ie declin
fi!ia:nmnique et de reduire Ie budget du systeme carceral.
I.e DORC (2) (Departement de rehabilitation et correction
r<Irio) a passe un contrat pour la mise adisposition d'espace
e:Oe main·d'reuvre avec une fume privee du nom d'Unibase,
'EFFORI;ANT DE PLACER des

::: Ce qui suit a ete partiellement publie dans « Exploitation of Ohio Prison
Ridenour, dans PLN, en avril 1996, p. 10.
-artJjtl d'entrepTises extraterritoriales en Ohio.
: :.e. Department of Rehabilitation and Corrections" de l'Ohio utilise l'aero­
ODRC. Certains militants des prisons de l'Ohio preferent dire DORC,
1ti/imu:e au tmne d'argot amencain .dOTh» disignant Ie penis}.
~ '. par William

20

specialisee dans Ie traite~ent de donnees. Cette societe a deja
introduit dix·huit de ces programmes dans des prisons a travers
Ie pays.
Le travail propose consiste a informatiser des donnees.
Les prisonniers sont payes sur la base de 0,47 dollar I'heure,
a laquelle s'ajoute une prime de rendement. Le montant de la
prime a regulierement baisse et les employes ne peuvent plus
etre assez rapides pour depasser Ie salaire horaire de base.
Um'base trouve son compte dans ces contrats: la main-d'reuvre
est bon marcM, les prisonniers n'ont pas Ie droit de former de
syndicats, Us ne sont pas couverts par la Workers' Compen­
sation* ni par Ie FLSA federal (Fair Labor Standards Act]. Les
detenus n'ont pas Ie droit de se plaindre, sauf a s'exposer a la
discipline arbitraire de l'administration penitentiaire ; de plus,
on peut a volonte les engager, les licencier ou les mettre au
chomage technique.
Dans l'institution correctionnelle de Lebanon, Um'base a une
discipline plus stricte que les autres fournisseurs de travail. Les
prisonniers engages par Unibase perdent l' acces aux
programmes educatifs, aux soins et aux offices religieux. TIs
doivent meme renoncer aux heures de lessive, parce qu'elles
empietent sur l'emploi du temps fixe par Unibase. TIs ont, pour
les memes raisons, du mal a aller aux douches ou aI'economat

21

I:ad:ministration de la prison pretend que ces programmes
oavail sont positifs pour l'economie car Us empechent la
- des emplois americains vers une main-d'reuvre etran­
bon marche ; Us ne privent pas de ces emplois des
::cmrilleurs americains de I'exterieur, mais Us creent de
2Im~1X emplois pour Ie personnel et les surveillants.
~!n'[;!nt, avant qu'Unibase ne demarre son programme a
:e:.mon, Ie directeur general de l'entreprise venait de fermer
zooreau de traitement de donnees dans Ie Kentucky et de
-er tout Ie personnel. Le materiel et les contrats avec
,- tele Ie suivirent du Kentucky a Ia prison dans 1'0hio.
peut donc dire, dans ce cas, que l'operation a coute leurs
~ . a des salaries americains.
n certain nombre d'autres entreprises ont exprime leur
~ pour la main-d'reuvre proposee par les prisons de
.. Deux societes ont deja signe des contrats avec 1'0hio
!mal Industries (OPI) concernant I'emploi de la main­
CEmTe de la Chillicothe Correctional Institution (CCI).
- PI differe de 1'0SSI en cela que des employes de I'Etat
s:;w::rvisent Ie travail des prisonniers et gerent Ie programme
~-memes, au lieu que les programmes de travail soient
~ par des contractants exterieurs et des societes, comme
--est Ie cas avec 1'0SSI.)
En avril 1993, Konica Business Machines Inc, societe

• Equivalent de la Sicurite sodale.

~ a Wmdsor, dans Ie Connecticut, a signe un contrat

22

23

avec l'OPI pour la remise, en etat de photocopieurs Konica par
des prisonniers.
Des detenus, qui sortaient d'un stage de formation la
reparation de machines de bureau, organise dans leur prison,
ont ete recrutes pour ce contrat entre l'OPI et Konica. Ils
etaient payes entre 35 et 47 cents de l'heure. Les photoco­
pieurs remis en etat etaient ensuite vendus ou loues par
Konica d'autres compagnies de l'Ohio et d'autres Etats.
Le contrat de l'OPI avec Konica a ete resilie en mai 1994
cause des difficultes juridiques qu'll posait la societe. De
toute evidence, Konica, basee en dehors de l'Etat, craignait
d'etre dans l'illegalite en employant des prisonniers pour
produire des marchandises destinees la vente ou la
location dans l'Ohio. De plus, les photocopieurs portaient la
mention « remis en etat par Konica», alors qu'ils avaient ete
remis en etat par des detenus, ce que rien n'indiquait sur les
produits finis.
En aout 1995, l'OPI a passe un contrat avec Perry Corpo­
ration, un concessionnaire en photocopieurs de Lima, dans
l'Ohio, pour remettre en etat d'autres photocopieurs.
L'espace alloue l'OPI pour remettre en etat des photo­
copieurs a de nouveau ete equipe, et les prisonniers reembau­
eMs, cette fois, par Perry, payes Ie meme salaire que preala­
blement dans ce type de contrats. Celui passe avec Perry porte
sur la remise en etat de 200 photocopieurs par l'OPI, pour

a

a

a

a

a

a

a

.:c::::::nencer. L'entreprise s'est engagee passer par l'OPI et
""" C!a.in-d'reuvre carcerale, dans Ie futur, pour plusieurs
~es de photocopieurs. Depuis Ie vote d'un projet de loi
~ senat, en 1995, l'Ohio a multiplie ses Community Come­
Programs et met un nombre grandissant de prisonniers
disposition de qui veut profiter de leur travail.
de Daniel Burton-Rose: mi-1997, Ie charge de communica­

de l'Oltio Department of Rehabilitation and Corrections,
~ . ~\ndrews, a declare que l'Ohio Offshore Industries Program a
- -l:::!errompu acause de « protestations emanant du public» et que
- ne s'engage plus dans aucun projet de partenariat utilisant
:;e:::avail des detenus. Un simple coup de telephone

a Unibase'

a appris que la societe intervient toujours dans les institutions
~onnelles

de Lebanon, Waren et Orient par l'intermediaire de

- Penal Industries 13l. J

a

Andrews et 0'nn Blodgett, president d'Unibase, par
- Burton-Rose,juin 1997,

~ :.oretiens avec Joe

TRAVAILLER

A EN MOURIR

Danny Cahill et Paul Wright, octobre 1995

L

non reglementee de
detenus les expose it des mauvais traitements extremes.
Exemple : les prisonniers de la Franklin County Workhouse*
ont Me payes environ 5 dollars de l'heure pour trier it mains
nues les residus de metal dans les cendres d'un incinerateur
de dechets de la compagnie Shaneway, it Columbus, dans
l'Oillo. La Franklin County Workhouse est situee en face de
l'usine d'incineration, ce qui facilite la mise it disposition.de
prisonniers. Les detenus travaillaient sans aucun vetement
ni equipement de protection. Ces prisonniers intervenaient
directement dans Ie flot de cendres d'une centrale electrique,
la plus grande source connue de dioxine des Etats-Unis. I1s
passaient leur journee dans des cendres toxiques contenant
un taux d'arsenic 2 fois et demi plus eleve que celui autorise
par l'OSHA** ; un taux de cadmium 5 fois plus eleve ; de
plomb 138 fois plus eleve et de dioxine equivalent it 770 fois
ce qui etait constate dans Ie voisinage. Tous les prisonniers
'UTILISATION PROFESSIONNELLE

I	

• Maison de correction du comtc~ de Franklin.
.. Occupational Safety and HeaUh Administration, l'iquiualent de l'inspection du
trauail.

26

•
27

employes au tri des dechets souffraient de dermites de contact,
un des symptomes de l'exposition ala dioxine. La Franklin
County Workhouse a fait faire ce travail a des prisonniers
pour des periodes de dix-huit mois a quatre ans. Des delin­
quants non coupables de violence emprisonnes pour de courtes
peines, inferieures ou egales a six mois, dans les prisons du
comte ou de la ville representent une population ideale pour
un travail mortellement dangereux, c'est-a-dire marginale,
de passage (I).
On raconte une autre histoire horrible de ce style, qui

s'est passee a 1'East Oregon Correction Institution (EOCI). Des

detenus furent charges de desamianter des conduites et de

remplir des sacs avec l'amiante recupere afin de la jeter. Ni

les prisonniers ni leur surveillant n'etaient proteges d'aucune

maniere. Suite a l'ordre d'un capitaine des pompiers de l'Etat,

on avait designe ces detenus pour la corvee, et ils ont passe

environ quarante-cinq heures a la tache, proteges par leur seul

uniforme de prisonnier et de simples gants de coton.

1. Les prisonniers contraints de travailler dans des environnements toxiques
devraient lire Ie compte rendu du proces Fruit contre Norris. 905 F. 2d 1148
(8' Circonscription, 1990), qui <lit que « Ies detenus ne sont pas passibles de
punitions s'ils refusent d'executer une tache prouvee dangereuse pour La sante.
L'administration de Ia prison, qui forcerait sciemment les detenus Ii execu­
teT un travail physique dangereux pour leur sante, ou excessivement doulou­
reux, leur intligerait une punition cmelle et inhabituelle '. Le jugement du
tnbunal poursuit : « Certains aetes ou omissions presentent un tel risque (pour
la sante et la securite) qu'on peut conc1ure qu'i1 est connu_,

res les prisonniers et Ie garde ont eprouve
Peu de temps ap,
.
. t et crachaient
dan 1
umons ils touSSaIen
des douleurs
s es pO.'
'te souffert d' autres
. ~tre . ils ont ensm
une substance n01T~ "
Clarence Wallis, a tente
de sante Un detenu,
b1'
pro emes
' . d l'EOCI de 1a presence de
d'informer l'administration e d " ~tre dispense
l'amiante. Puis il a porte p1ainte et de~ ~ a e
e uat
de la cOlvee s'll n'etait pas protege par un e~mpement ~s~n ~
"
laint et a celles d'autres detenus, la p
Smte. ';a sa p
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greniers de a pnson.
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, tait l' aIniante des
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. ,
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.,
crr'conscription
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1de la neUVleme
greniers..La cour, ap~.
tion de la prison avait ete delibe­
par 1a smte que 1administra
1a 0 ulation
'
t indifferente aux risques encourus par p p
remen
, D s de telles circonstances,
des detenus et des employes. an.
t urtes peuvent
.
d rison re1ativemen co
meme des pemes e p
.
,
mort 1ente!21.
se transformer en condaInnations a une

. 70 F. 3d 1074 (9th Cir. 1995).
2. Wallis u. Baldwin,

MICROS~T

PULVERISE LA CONCURRENCE

Dan Pens, avril 1996

D

ANS LA REGION DE SEATTLE, base de Microsoft, Ie
. geant du IogicieI, on utilise parfois l' expression
« Millionnaire Microsoft ». Un grand nombre d'anciens
salaries de Microsoft ont quitte Ia compagnie fortune faite
et sont maintenant libres de profiter d'autres aventures.
Beaucoup d'entre eux sont jeunes, ne depassant pas Ia
quarantaine.
II ne suffit pourtant pas de trimer pour Microsoft pour
devenir millionnaire : Microsoft fait conditionner beaucoup
de ses produits par des prisonniers du Twin Rivers Correc­
tions Center (TRCC) du Washington.
D'apres un prisonnier qui travaille pour Exmark, compa­
gnie specialisee dans Ie conditionnement, environ 90 prison­
niers du TRCC ont emballe 50000 exemplaires de la disquette
de demonstration Wmdows 95 ainsi que des echantillons
pour Ia promotion par courrier personnalise.
« C'etait Ie bon temps pour nous, se rappelle-t-il avec
naivete. II y avait beaucoup de travail pour tout Ie monde. »
Ce meme detenu raconte qu'll a ete licencie apres Ie contrat

•

30

31
avec Microsoft et qu'il n'a pas travaille depuis Cha
.
dit il .
.
.
que JOur,
, - ,il va VOIr sur Ie panneau d'affichage la liste « d'appel "
d Exmark, avec les noms des travailleurs suffisamment
Chanc:ux P?ur avoirdu travail Ie lendemain. II explique que
Ie,S pnsonmers avec Ie moins d'anciennete ou ceux qui ont
deplu, par leur impertinence ou de mauvaises habitudes
professionnelles, ne figurent sur les listes qu'en cas de tres
gros contrats.

Exm~k, filiale de Pac Services, compagnie basee dans
Ie Washington, recrute aussi en dehors des prisons dans
l~ « mon~e libre ". Steve Curly, contremai'tre dans Ie « ~onde
libre ", me que la compagnie ait conditionne des logiciels
Wmdows 95. Mais, d'apres lui, Exmark a conditionne avec
le.TRCC, des.dizaines de milliers d'exemplaires du lo~ciel
MIC~OSO~ Office ainsi qu'emballe et expedie jusqu'a 40000
souns MICrosoft en une semaine.
Beaucoup des prisonniers employes par Exmark ne Ie
s?nt, d'apres l'un d'eux, que ({ lorsqu'un gros contrat neces­
I'
.

sIte des travailleurs
supp ementaires ". En cas de travail

~bon~t, les pris,o~ers engages par Exmark doivent passer

ala Vltesse Supeneure et faire les trois-huit. A d'autres

~0.ments, l'entreprise n'a plus besoin d'eux et ils restent
oisifs dans leur cellule.
Selon les detenus employes par Exmark, Microsoft n'est
pas seul a beneficier de cette main-d'reuvre « flexible» ; ils

affirment avoir regulierement conditionne des marchandises
pour Costco, Starbucks et]anSport. Toujours d'apres eux,
Exmark n'emballe pas que des marchandises de detail, mais
se charge souvent de remplir des enveloppes pour des
mailings importants, par exemple pour US West, Ie geant des
telecommunications.
Beaucoup seront surpris d'apprendre que des entreprises
privees emploient des detenus. Le prelnier choc passe, ils
trol1Veront peut-etre l'idee nouvelle et geniale. On a beaucoup
debattu du « genie" de l'idee, mais on a rarement lnis en doute
sa « nouveaute ". Pour la grande majorite, l'utilisation de
detenus par des fumes est une innovation recente. Or c'est
totalement faux.
A partir de 1817, avec la prison d'Auburn dans l'Etat
de New York, Ie modele americain qui s'est impose etait
celui de la « location/sous-traitance des prisons ". L'Etat
sous-traitait parfois ses etablissements des entreprises
privees ; lorsqu'illes gerait lui-meme, illouait des detenus
aux entreprises.
Au XIX' siecle, les prisons etaient essentiellement des
camps de travaux forces. Les prisonniers fabriquaient toute
une gamme de produits, dont des chaussures, du mobilier, des
chariots et des poeles. Pour plus de profit, ils etaient souvent
loges dans des conditions sordides, nourris d'aliments
avaries, mal vetus et pauvrement chausses. On utilisait

a

33

32

La compagnie refit Ie plein de detenus dans ses camps de
travail. Les mineurs libererent cette nouvelle vague de
prisonniers et reduisirent en cendres une partie de la prison.
Peu de temps apres, Ie Tennessee cessa finalement de
« louer » ses prisonniers.
Au debut de ce siecle, la plupart des autres Etats en
firent autant et voterent un ensemble disparate de lois
limitees it leur territoire, qui supprimaient ou restreignaient
l'emploi de detenus par des entreprises privees. Deux lois
federales de l'epoque du New Deal, Ie Hawes-Cooper Act en
1929 et Ie Ashurst-Sumners Act en 1935, mirent un terme it
la relation entre entreprises privees et main-d'reuvre detenue.
Hawes-Cooper autorisait les Etats it refuser l'entree de
produits fabriques en prison dans d'autres Etats etAshurst­
Sumners considerait comme une infraction federale de faire
circuler d'un Etat it un autre des marchandises fabriquees en
prison, quelles que soient les lois des Etats pris separe­
ment. Ainsi s'acheva la premiere periode de profits obtenus
par l'emploi de detenus.
Dans les annees 70, Ie Chief]ustice* Warren Burger, ne
seize ans apres la « Coal Creek Rebellion », se fit l'apatre de
la transformation des prisons americaines en « usines clatu­
rees ». Le Congres se laissa volontiers convaincre. Dans Ie

beaucoup Ie fouet et l~s soins medicaux etaient inexistants.
D'apres Ie Dr Lewis Wynne, directeur executif de la Florida
Historical Society, les Etats contralaient it peine ce qui se
passait dans les prisons et leurs gerants tuaient souvent
les prisonniers au travail. Le taux de mortalite, selon Ie
Dr Wynne, pouvait atteindre 40 % de la population carcerale.
Malgre les protestations emises, des Ie debut, par des
associations de fabricants et les organisations de travailleurs,
les Etats s' obstinerent dans cette maniere de realiser des
economies et refuserent d'abandonner Ie systeme de sous­
traitance des prisons. Ce qui s'est passe au Tennessee en est
un bon exemple.

Dans les annees 1870, des concurrents de la Tennessee

Coal, Iron and Railroad Company accuserent l'emploi de

detenus d'avantager cette compagnie. Les legislateurs de

I'Etat firent la sourde oreille et Ie systeme de sous-traitance

demeura inchange.

En 1891, la compagnie ferma l'usine it tous les mineurs

qui avaient refuse de signer un contrat leur interdisant d'etre

syndiques. Elle les rempla9a en totalite par des detenus mis

it sa disposition par les prisons. Se deroula alors l' episode

connu sous Ie nom de « Coal Creek Rebellion» : des mineurs

syndiques en colere prirent d'assaut les prisons en sous­

traitance, relacherent plus de 400 prisonniers, qu'ils embar­

querent sur des trains en route pour Ie parlement de I'Etat.


• Le president de fa Cour supreme.

I

35

34

cadre du]ustice System Improvement Act *en 1979, Ie Congres

vota un amendement qui dispensait sept projets pilotes du
Prison Industry Enhancement* * (PIE) de se conformer a
1'Ashurst-Sumners. En 1984, Ie PIE menait vingt projets
pilotes et la definition des projets permettait d'inclure toutes
les entreprises installees dans des prisons par un comte ou
un Etat. La loi fut de nouveau amendee en 1990 pour
permettre jusqu'a cinquante « projets " pilotes (surtout
des Etats). Aujourd'hui, toutes les productions de prisons de
cinquante Etats ou comtes peuvent etre legalement commer­
cialisees entre Etats. Ainsi commence Ie deuxieme episode
du racket des profits obtenus d'une main-d'reuvre carce­
rale, avec un PIE assez grand pour que n'importe quelle
entreprise de n'importe quel Etat puisse avoir sa part du
gateau.
Pour des compagnies comme Exmark, la proposition est
allechante. Exmark verse aux detenus qu'elle engage dans
l'Etat du Washington un salaire horaire minimum
(4,90 dollars), mais ce chiffre est trompeur. En effet, Ie
Department of Corrections deduit 20 % du salaire des prison­
niers pour rembourser « les depenses d'incarceration ".
(Apres calcul, une retenue de 20 % des salaires de cent
• Loi pour /'amelioration du sysfeme judidaire.

•• ACCToissemenf de /'activite projessionnelle en prison.


detenus suffit a financer Ie salaire et les charges sociales de
huit gardiens). Quelque 10 % supplementaires sont retenus
et places sur un « compte epargne obligatoire ", qui ne
rapporte pas d'interets ; 5 % sont verses a un " Fonds de
compensation aux victimes ", administre par 1'Etat. Sont
egalement retenus 1'impot federal sur Ie revenu, 1'assurance
socia1e et 1'assistance medica1e. Le DOC a Ie droit de deduire
20 % supplementaires pour dommages et interets fixes par
. Ie tribunal, frais de justice et autres dettes. Au bout du
compte, Ie salaire horaire empoche par les prisonniers se situe
entre 1,80 et 2,80 dollars. Mais ce montant est encore
genereux, parce que la loi autorise a deduire jusqu'a 80 %
du salaire des prisonniers, et ils pourraient finir par gagner
moins de 1 dollar de 1'heure.
Exmark et d'autres entreprises privees installees dans les
prisons du Washington ne sont pas obligees de fournir a
leurs travailleurs des prestations sociales, telles que l' assu­
rance medicale ou la retraite (bien que 1'Etat propose un
vaste pL1n de retraite baptise « Three Strikes* " !) Ajoutons
que l'Etat subventionne ces entreprises puisqu'elles ne
paient en general pas ou peu de loyer pour les locaux
(bureaux, ateliers, entrepots...) qu'elles occupent dans les
prisons.
• Les trois coups, ou ies trois greves !

37

36
Le bail signe par EXIIl4I"k avec l'Etat du Washington a fixe

son loyer annuel a la somme de 1 dollar en echange d'une
impressionnante superficie en ateliers et entrepots. Le DOC
subventionne souvent d'autres frais generaux (comme Ie
gardiennage 24 heures sur 24), ala charge de toute entre­
prise privee dans un autre contexte.
Beaucoup des detenus engages s'estiment formidable­
ment avantages par cet arrangement, la preuve en est la'liste
d'attente d'au moins une annee pour les prisonniers du TRCC
esperant etre engages par Exmark. Selon eux, n'ayant pas
beaucoup de depenses, ils peuvent envoyer chez eux la majeure
partie de ce que leur emploi leur rapporte. Et ils sont souvent
tres fiers de subvenir aux besoins de leur famille, malgre leur
incarceration. Les emplois habituellement confies ades detenus
dans l'Etat du Washington ne rapportant que 25 a42 cents de
l'heure, les prisonniers considerent qu'ils auraient bien une
chance extraordinaire de travailler pour Exmark.
Selon certains groupes de defense des droits des prison­
niers, les emplois offerts par des entreprises privees sont une
aubaine pour les detenus. Charlie Sullivan, codirecteur de
Citizens United for Rehabilitation of Errants* (CURE), organi­
sation nationale pour la reforme penale, s'exprima en 1995
sur les succes de CURE en cinq ans :
• Citoyens unis pour fa rehabilitation des devoyes.

Je dirais d'une maniere generale que nous avons surtout eu
d~s succes dans le domaine de l'emploi. Nous avons colla­
bore avec les entreprises implantees dans les prisons. Cela
a entraine un debat philosophique entre acteurs de la
rHorme penale, surtout gauche, ou ron craint que les
prisonniers soient exploites. Je suis convaincu que nous
devons soutenir cette demarche, meme si, cela ne fait aucun
doute, il faut etre tres prudent dans la pratique [... 1Notre
objectif est de permettre aux prisonniers de trouver un
emploia leur liberation.

a

Mais quel genre d'emploi « permet-on aux detenus de
trouver » a leur liberation ? Bien des emplois possibles ont
ere delocalises dans les prisons. Lockart Technologies, Inc.
est un bon exemple : cette compagnie a supprime 130 emplois
du • monde libre » en fermant un atelier d'assemblage de
plaquettes situe aAustin, dans Ie Texas. Puis elle a demenage
tout son materiel vers une prison « privee » (geree par
Wackenhut Corporation) a une cinquantaine de kilometres;
elle a ensuite engage des detenus de la prison d'Etat en
remplacement des 130 ouvriers licencies aAustin. La prison,
qui a reamenage ses ateliers en fonction des besoins de
Lockart Technologies, fait payer a la compagnie un loyer
annuel de 1 dollar.
En 1994, Ie DOC du Washington a construit, avec l' argent
des contribuables, un « batiment industriel » de plus de
5000 metres carres, juste acote du Washington State Refor­

39

38

~atoIY. L'Etat s'est efforce d'y attirer des industries privees.

A ce jour, il a convaincu Elliot Bay Metal Fabrication,
A&I Manufacturing, Inc. et Redwood Outdoors, Inc. (I)
Elliot Bay fabrique des cuves pour micro-brasseries et de
I' equipement pour la peche commerciale (bassins, tapis
roulants et citemes). Ont ete engages onze soudeurs et
metallurgistes hautement qualifies. Or, comme souvent
pour ce type d'emplois en prison, les candidats possed~ent
ces competences avant d'etre engages. Elliot Bay n'organise
aucun programme de formation et ne s'occupe pas de fournir
une qualification professionnelle aux prisonniers. L'entre­
prise s'est installee dans une prison uniquement pour faire
des benefices.
L'entreprise A&I Manufacturing fabrique des stores en
metal, des mini-stores, des stores en tissu, des rayonnages
metalliques, et elle envisage de produired'autres revete­
ments de fenetres, tels que des rideaux. Toute sa production
est vendue aDe-EI Enterprises, Inc., une compagnie locale
qui traite ason tour avec des entrepreneurs pour equiper des
Mtiments entiers en stores, etageres, etc.
1. Boeing, la plus grosse entreprise mondiale d'aviation civile, a aussi decou­
v~rt

les.avant;ages de la,main:d'ceuvre carc~rale. MicroJet fabrique des pieces
detachees qu elle vend a Boemg. Cette petite compagnie emploie huit prison·
nie~ du ~~~~n State R~format~ry
Monroe, auxquels elle verse un
salair~ tres infeneur au salarre pratique a l'exterieur. Voir: Paul Wright,
• Making Slave Labor Fly: Boeing Goes to Prison., PLN, mars 1997, p. 1.

?:

Redwood Outdoors, fabricant de vetements, emploie
une vingtaine de prisonniers. Selon les detenus engages par
Redwood, ils fabriquent des vetements pour, entre autres,
les marques Eddie Bauer, Kelly-Hanson, Planet Hollywood
et Brooks. La plupart rechignent a raconter ce qu'ils font,
et, surtout, pour quelle marque. " Eddie Bauer ne tient pas
a ce que ron sache qu'ils emploient des detenus lI, avoue
run d'eux discretement.
Etaiit donne Ie cout d'un Mtiment de 5 000 metres
carres, les salaires des gardes et des surveillants payes
par Ie DOC, les frais de maintenance et d'administration, on
peut se demander en quoi l'installation de ces entreprises
en prison est rentable pour Ie DOC, sans oublier qu'il ne leur
est demande qu'un loyer derisoire de 1.dollar par an. Or
l'Etat tient fortement a etendre les entreprises privees
dans les prisons. Dans sa session de 1993, Ie parlement du
Washington a vote Ie projet de loi du Senat 5989. enregis­
rre sous Ie code RCW 72.09.111, qui mandate Ie DOC du
Washington pour augmenter Ie nombre de prisonniers
employes par les " libres entreprises » de 300 par an, avec
nne augmentation nette de 1500 nouveaux emplois d'ici a
'an 2000.
La loi fait allusion quelque part au souci que ces emplois
crees dans les prisons d'Etat ne mettent au ch6mage des
travailleurs libres, precisant que les entreprises indus­

41

40

trielles. [ne] fourniront ~ des fabricants ou des entreprises
de l'Etat de Washington [que] des marchandises ou services
actuellement produits par des foumisseurs extt~rieurs
l'Etat ou etrangers ». Toujours selon la loi, Ie DOC est
suppose proceder a" une analyse de l'impact potentiel des
produits ou des services proposes sur les entreprises et
sur Ie marche du travail de l'Etat du Washington ».
Bien sur, certains produits fabriques en prison; par
exemple les vetements cousus pour Redwood Outdoors,
tombent en verite dans la categorie des marchandises
" actuellement produites [... ] par [... ] des foumisseurs
etrangers ", puisqu'ils sont fabriques dans les infames
ateliers clandestins, les maquiladora, du Mexique et de
l'Amerique centrale. Mais que dire du materiel de micro­
brasserie et de peche fabrique par Elliot Bay? N'y a-toil
dans l'Etat de Washington aucun metallurgiste capable de
les fabriquer ? Et les stores en metal ou en tissu fabriques
par A&I? Personne dans l'Etat du Washington ne pourrait­
il offrir ces emplQis des chomeurs libres ?
La loi exige que Ie DOC procede une evaluation de
l'impact potentiel sur Ie marche du travail local de la deloea­
lisation de ces emplois vers les prisons. Mais elle ne dit rien
par rapport ce que cette evaluation pourrait montrer ni s'il
faudrait empecher Ie DOC de creer des emplois dans les
prisons, dans l'hypothese ou ceux-ci risqueraient de porter

a

a

a

a

prejudice aux travailleurs de l'exterieur. Mais pourq~oi
des entreprises comme Elliot Bay ou A&I Manufacturtng
devraient-elles offrir des emplois existants des ch6meurs
hbres ? Alors qu'elles peuvent occuper des locaux mis leur
disposition par l'Etat et disposer d'" une main-d'reuvre
captive» pour un salaire minimum, alors qu'elles peuvent
l'engager, la licencier ou la debaucher volonte. Et comment
les -entreprises de la region peuvent-elles resister la
concurrence venue des prisons? La reponse est qu'elles ne
Ie peuvent pas. Des entreprises comme Elliot Bay et A & I
suppriment des emplois locaux et font baisser les salaires

a

a

a

a

des travailleurs libres. CQFD.
Un detenu employe par Elliot Bay presentait fierement
Elliot Bay comme « Ie meilleur projet de la bOlte ". D'apres
lui, son emploi lui permettait de se perfectionner dans la
soudure et de se preparer un emploi sa liberation.
Lorsqu'on lui a fait remarquer qu'Elliot Bay privait proba­
blement d'emploi des travailleurs de la societe, il a repondu:
"J'emmerde la societe! C'est elle qui m'a enferme ».
Mais quelle est la partie de la societe vraiment en train
de se faire entuber par l'installation d'entreprises dans les
prisons? Pas les actionnaires de Microsoft, d'US West, de
Costco ou de Starbucks, qui sont probablement tres satis­
faits de la situation. En revanche, les soudeurs, metallur­
gistes et ouvriers au chomage pourraient avoir une autre

a

a

42

vi~on des choses, lorsq~'ils se rendront compte que Ie
se. moyen de trouver du travail pourrait etre d'all
pnson.
er en

ARMES iT DANGfRiUX

Raymond Lue Levasseur, mai 1995

1989, lorsque l'on m'a transfere al'US
Penitentiary * (USP) de Marion, dans l'lllinois, les troupes
americaines etaient en train d'envahir Ie Panama. Au milieu
de la destruction generale, des fosses communes et des
mensonges des politiciens et des chefs militaires, l'impres­
sionnante puissance de feu americaine s'etalait pour imposer
ses volontes aune autre nation d'Amerique centrale. Elle a
utilise tout un arsenal d'armes terrestres, navales et aeriennes,
outre les habituels M16, pour tuer tout ce qui se tenait dans
sa ligne de mire. Qu'iI soit technologiquement avance ou aussi
simple qu'une grenade, ce materiel de guerre est fabrique aux
USA, et en partie par des prisonniers federaux.
Les Federal Prison Industries, Inc. (UNlCOR) fabriquent
entre autres du materiel militaire pour la plethorique machine
de guerre americaine ; et cela dure depuis un premier contrat,
en 1934, avec Ie War Department**, aujourd'hui baptise
euphemiquement Department of Defense***. Le Federal

E

N DECEMBRE

[Note de DanielBurton-Rose: D'a re d
"

fllsilie en decembre 1996 un conf:.a.t ~ es e:p.10yes d Exmark, Microsoft a

en invoquant des questions de • c tr:l codn tio~~ment a~ec des detenus,

. 1
on 0 e e qualite. L'am 1
. '.
repns ocalement et nationalement a eut'
,',
c e qm precede,
Les grandes entreprises n'ont pa~ ~ p -etre ~te pour queJque chose.
qu'elles engagent mais elles pre'" e ~c.rupule a exploiter les detenus
,
!eren t eVlter la publicite.]

• Penitencier fediral.
.. Le ministere de la Guerre.
... Le ministere de la Defense.

44

45

Bureau of Prisons (BOP) se vante que les detenus main­
d'<.euvre esclave, qui travail.i.ent souvent dans des con'ditions
risquees et pour un salaire horaire moyen de 23 cents ont
c~~~bue et contribuent encore grandement ala produ~tion
militaire. nse flatte aussi que l'UNICOR l'aide acontroler les
prisonniers dans un systeme scandaleusement surpeuple.
L'UNIC~R produit pour l'armee des cables de remorquage
et autres cables de missile, des elements utilises pour les
munitions, du materiel de transmission, des pieces detachees
po~r bombes ; de plus il revise des moteurs, coud des
uniformes, etc. Dans ses brochures, Ie BOP exhibe fierement
des photographies de prisonniers travaillant dur aces taches
diverses. Ancien du Viet-nam, j'ai ete particulierement frappe
par une photo qui montrait des prisonniers federaux en train
de produire du materiel destine au Viet-nam. Contrairement
ala plupart des pnsonniers, j'ai vu de mes yeux I'effet mortel
du produit fini.
L'UNICOR travaille avant tout pour l'armee, que ce fut
pendant la guerre de Coree, lorsque 80 % de ses ventes
~aient al'armee, ou pendant la guerre du Golfe, quand les
pnsonniers devaient faire des heures supplementaires. En
fait, l'armee a son propre representant au conseil d'admi­
nistratio~ de ~'UNICOR qui conseille comment mieux exploi­
ter la mam-d <.euvre pour les objectifs militaires. Etre sous
contrat avec Ie War Department ne signifie pas seulement

fournir 1'armee americaine, car les Etats-Unis redistribuent
ensuite ce materiel militaire aleurs Etats-elients. d'Israa a
l'Indonesie, et a certains des regimes les plus degeneres et
les plus assoiffes de sang du monde. Au Sal~ par exelill'Je"
les beneficiaires de 1'aide militaire americaine s'en servaient
pour tuer leur propre peuple.
L'US Penitentiary Marion est une prison de haute securne
ou les mauvais traitements aux prisonniers sont bien connns
d'Amllesty International, du Human Rights Watch, de la
commission du Congres et autres. Dans 1'isolement sans fin,
il n'y a pas grand-chose qui puisse nourrir 1'intellect, rien
qu'un manque incommensurable de stimulati?n et de dis~­
tion et aucun travail dans lequel s'investir. A une exc~ptlon
pre~ : 1'administration penitentiaire a cont;u un plan qui
pennet a des prisonniers que ron estime convenir de ponvoir
etre transferes dans un etablissement moins brutal pour une
periode de servitude volontaire dans une unite dite de • pre­
transfert ». C'est un plan exploite jusqu'ala garde par l' admi­
nistration, qui a bien compris que les prisonniers de Marion
sont prets a tout pour quitter leur mitard, l'isolement, cet
avant-gout du tombeau, et qu'ils accepteront tout ou presque.
Tous les prisonniers fMeraux doivent travailler, mais pas
specifiquement pour l'UNICOR ; 26 % d'entre eux Ie font.
Les autres, la majorite, preferent d'autres secteurs d'acti­
vite, la cuisine et l'entretien par exemple, ou les rares

47

pro~~es d'education o~ de formation proposes. L'US
PemtentiaIy Marion et maintenant l'USP Florence, et eux
se~s ~s Ie systeme penitentiaire federal, exigent que les
pnsonlllers travaillent pour l'UNICOR comme condition
preal~ble a.leur transfert. Le seu1 travail propose par l'UNI­
COR a Manon est Ja production pour l'armee.
Le Bureau of Prisons ne tient pas compte du Freedom of
Infonnation Act (FOIA) et refuse de donner des details sur 1a
production militaire aMarion. Cependant, aMarion, l'UNICOR
produit notoirement des cables de transmission eleetroniques,
v:n?us au War Department. Ceux-ci servent a equiper divers
vehicu1es au sol, tanks et vehicu1es blindes de transport de
ps
trou : ; des contremai'tres sur les chaines se sont vantes que
les cables servent aussi dans les Mlicopteres. Pendant la
~erre du GOI!~, les prisonniers de Marion employes par
I UNICOR ont ete forces de faire des heures supplementaires.
Quell~s qu: s~ient leurs specificites, les cables electroniques
dans 1armee Jouent un role indispensable dans beaucoup de
systemes d'armes et de lancement.
Marion est rattacM ala prison federale de Lexington,
dans Ie Kentucky; ses resu1tats en production et ses benefices
n'a~paraissent pas separement dans la comptabilite infor­
mati~ue. Au cours d'une annee moyenne, Lexington execute
800 a 1200 commandes pour l'annee, pour un total de
12 millions de dollars.

Dans la guerre moderne, sous l'appellation de (( materiel
militaire ", on trouve des armes electroniques sophistiquees
bien plus destructrices qu'un fusil de soldat. En Ir~, par
exemple, l'electronique a pennis de bombarder de~ ~sme.s de
traitement des eaux, et de porter l'attaque bactenologlque
jusqu'a ceux dont la vie dependait de cette eau. On estime
que 46 900 enfants irakiens sont morts pendant, l~s ~ept
premiers mois de 1991 suite a des attaques amencames
contre'le.s infrastructures du pays. Outre les pilotes et les
artilleurs, qui ne voient jamais leurs victimes, ce qui se.rt a
coordonner et propulser la destruction de masse constitue
l'essentiel de la guerre, jusqu'a l'electronique de base et
les cables de transmission.
.
Le materiel militaire ne se fabrique pas dans Ie vide. Les
prisons qui en ont produit pendant la guerre du Viet-nam
savaient forcement qu'une guerre faisait rage. Tout Ie monde
cOIlI1altles conquetes passees et presentes de l'armee ameri­
caine. On sait peut-etre moins bien, et pourtant cet aspect est
tout aussi important, que Ie gouvernement detourne ~~s
armes et du materiel militaire au profit de tueurs en sene
deguises en chefs d'Etat. Le petit ruisseau de l'UNICO~
rejoint la grande riviere des producteurs d'armement ~m
alimente Ie plus important exportateur d'armes mo~dia1.
Les USA ont fait tout un foin de l'emploi par 1a Chine de
detenus dans la production de textile et autres exportations

49

destinees au marche aniericain. On dit que c'est une atteinte

teur du systeme. Lors de la toute recente attaque au Liban
d~s forces israeliennes, equipees par les Etats-Unis, chaque
jownal, chaque magazine, chaque image d'actualite montrant
les atrocites qui ont eu lieu, les centaines de tues et de
blesses, les centaines de milliers de refugies, tout cela etait
la preuve d'un developpement regulier des armes et du
materiel de fabrication americaine.
Pour un prisonnier politique, mettre des principes en
pratique peut etre symbolique. mais manifester q~ l'on
est et pourquoi l' on se bat vaut mieux que de se plier au
programme du gouvernement. Il est important de .se rappe­
ler que, si limitee que soit la resistance, c'est touJours. une
fa~on d'avancer. Il faut s'opposer it 1'ampleur de~'cnmes
perpetres par les Etats-Unis, ce qui ne peu~ se f~~ sans
risque ni sacrifice. On peut deplorer l'absence d une reS1stan~
organisee et plus large, mais cela n'enleve aucune valeur a
1'action d'individus ou de petits groupes. L'Histoire est
remplie de leurs exemples et de leurs cadavres : des mili~ts
du groupe La Rose blanche*, qui s'opposerent au f~~lsme
allemand, aux quelques guerilleros pionniers du sandinisme ;
de John Brown** aux Industrial Workers of the World*** ; de

a:ux droits de l'homme (autrement dit, cela reduit les benefices
des entreprises americaines). L'une des controverses concer­
~t des decorations d'arbres de NoiH fabriquees par des
pnsonniers chinois et exportees aux Etats-Unis. Ama connais­
sance, aucune boule de Noel n'ajamais tue personne, mais
des tonnes de materiel militaire, dont des detenus ameri­
cains ont foumi les composants essentiels, sont exportees
pour bombarder, faire sauter et terroriser leurs destina­
taires.
Pour moi, etre reVOlutionnaire est la meilleure maniere

de vivre. L'arrestation et l'emprisonnement impliquent des

mises au point, mais ils ne m'ont pas fait me repentir de

~o~te une ~.e d'anti-imperialiste, luttant pour la justice. J' ai

ete envoye a Marion it cause de mes convictions politiques

et.d~ me~ relations et, selon toute vraisemblance, j'y reste­

r~ a m~ms de les renier, ce que je ne ferai pas. Je consi­

dere ~u accepter de produire du materiel militaire pour

obtemr mon transfert reviendrait it renier mes convictions et

mes principes politiques. je ne Ie ferai Pas.

Refuser d'etre complice du militarisme americain est un
acte profondement enracine dans la conscience et la solida­
rite avec ceux qui combattent l'imperialisme des Etats-Unis
et :s~aient.de .lui resister. Cet acte est d'ordre symbolique,
mars il est mdispensable pour s'opposer au cote collabora­

i

• Qui organisa {'attentat contre Hitler en juillet 1944.
.
•• Meneur de La lutte pour 1'abolition de 1'escLavagisme, il jut Pe7}du. Comme dit
la chanson, «son corps pourrit dans la tombe, mais son ame continue Ie combat -.
••• Un des premiers syndicats amencains.

50

Malcolm X it. George

Iack~on* l'indomptable. Pour chaque

nom cire, il y a d'innombrables anonymes. Une seule recom­
pense, it. part la victoire : l'esprit de resistance fait vivre.
Cette decision n'est pas sans consequences. Les mains de fer
du g~uvemement et du Bureau of Prisons ne font pas de
quartier aux revolutionnaires, aux rebelles et aux dissidents.
Marion a entre autres missions de detruire 1'identite d'un
individu et ses liens avec 1a communaute. Un directeur de
prison, Ralph Aaron, a affirme que « l'objectif de Marion est
d'e~pecher les comportements revolutionnaires en prison
et ailleurs ". Plut6t exagere de 1a part d'un moulin it. paroles
de bureaucrate, mais il n'en reste pas moins que Marion
c'est la repression incamee dans l'experimentation sociale:
~u moindre signe qu'un prisonnier ne se conforme pas aux
diktats de l'etablissement, il est condamne it. l'isolement
p:~anent. Pour celui qui transgresse, il n'y aura pas de
replt, aucun espoir de liberte ; plus de rencontres avec la
f~e ~t les proches, aucun acces it. un travail gratifiant, it.
1education, aux loisirs, aucune proposition de liberte condi­
tionnelle. Sans oublier l'indifference du public et 1a reaction
de la gauche lib6rale, qui considere les prisonniers avec
mepris et les prisonniers politiques avec hostilite. AMarion
un axiome annonce la couleur : « Qui penetre cette enceint~
• Militant de la liberation des Noirs, assassine en 1971 par ses gardiens deprison.

,	
•

n'en sortira qu'apres en avoir crne un mull>. C,skl_ii1_
de Marion. Mais « en chier., ce n'est~CII.f3iIii _ _"
compare it. produire des armes, qui serviront adNQIid . . . .
etres humains it. 1a tombe, des etres humains
....
victimes de l'oppression et qui ne m'ont fait aucun mal
n y a vingt-neuf ans, j'etais soldat chez les Vietnamiens
et, Ie fusil it. 1a main, je profanais leur terre. Ie voyais maJades,.
blesses, infirmes et morts ceux que j'avais pour mission
d'eclairer, ou d'illuminer, sur les vertus de l'imperialisme
americain. Une fois lib6re, j'ai rejoint les Viet-nam Veterans
Against the War *. Ce rassemblement d'anciens combattants,
tourmentes par leur conscience et las de la guerre, a rajeuni
un mouvement pacifiste tomb6 en lethargie alors qpe les
bombardements americains au Viet-nam battaient leur plein.
En meme temps que Ie Viet-nam, une autre guerre faisait
rage dans les rues de la mere patrie, it. Newark, Detroit, Pine
Ridge, Attica, Humbolt Park, ou dans les quartiers est de
Los Angeles. Dans cette guerre-ci, des batailles intestines
etaient provoquees par des espions, des agents provocateurs
de la police et des mouchards se multipliant rapidement dans
une societe saturee de drogue, obsedee par Ie principe du
« moi d'abord •. Outre l'Asie du Sud-Est, l'interventionnisme
americain a laisse des traces sanglantes entre autres au
• Anciens combattants du Viet-nam contre la gume.

52

A Snl1WA1III
Greve de. ditenu. a Oak P..IE:.....

Chili, en Argentine, au Nic?I"agua, au Salvador, en Angola, en
Afrique du Sud, a Cuba et a Porto Rico. Et, comme au Viet­
nam, les victimes etaient principalement des civils.
Toujours en guerre, Ie policier du monde, cette force
militaire omnipotente et omnipresente des Etats Unis, est
charge de faire respecter Ie code de bonne conduite du capita­
lisme. L'armee a ete mobilisee pendant la revolte de Los
Angeles. Des troupes ont ete envoyees en Somalie, ou e1les
n'ont pas tarde a etre accusees d'atteintes aux droits de
l'homme par les organismeshumanitaires et par Ie peuple
somalien lui-meme.
Le Viet-nam a change rna vision de la liberation: i1 faut
lutter constamment et continuellement contre les puissances
qui imposent leur volonte aux autres pour avoir Ie pouvoir et
tirer Ie maximum de profit. La liberte est l'ultime expres­
sion et l'ultime condition d'un peuple qui maitrise sa propre
destinee. Une fois deja, Ie gouvernement m'a donne un
uniforme et s'est servi de moi pour faire la guerre. J'etais
jeune et j' etais nan, ce qui n'etait pas une excuse pour que je
sois complice. Cela ne se reproduira pas.

SOLIDARITE

Daniel Burton-~

~.l9J6

L

4 MARS 1996, a 1a prison de haute securite crOak
Park Heights, a Stillwater, dans Ie Minnesota, a en lien
l'un des plus impressionnants recents exemples de solida­
rite et de cohesion politique entre prisonniers. Tot Ie matin,
quelque 120 prisonniers ont refuse de rejoindre leur poste
chez Minncor, l'entreprise carcerale de l'Etat du Minnesota.
Lestravailleurs en greve exigeaient un salaire minimum, Ie
retablissement des visites sans restriction, Ia fin de la bruta­
lite systematique dans Ia segregation, la baisse des frais
excessifs pour soins medicaux et Ie telephone, une meilleure
aeration, l'arret de I'inflation des prix de cantine, l'amelio­
ration de Ia bibliotheque juridique, inadaptee et mediocre,
et Ie reabonnement au cable qui venait d' etre supprimel!l.
Selon Guy Piras, P-DG de Minncor, les salaires horaires
des detenus commenc;aient a 40 cents et, par augmenta­
tions successives de 10 cents, atteignaient Ie dollar. Le
salaire moyen d'un prisonnier a Oak Park Heights tournait
E

t

1. Nina, • Work Strike at Oak Park Heights Prison " Love and Rage Revolu·
tionary Anarchist Newspaper, juin/juillet 1996, p. 9.

55

54

autour de 9S cents de 1',heure IZ). }usqu'a 80 % de ces salaires
allaient aux dommages et interets fixes par Ie tribunal, a
un fonds de soutien aux victimes, aux pensions versees pour
les enfants et aux frais d'hebergement. De plus, des
juillet 1996, les visites medicales devaient etre facturees
3 dollars 13) •
Six heures apres Ie debut de la greve, la prison fut
bouclee, les cellules des prisonniers fouillees et les meneurs
supposes envoyes en isolement disciplinaire, a la Security
Housing Unit* (SHU). Les prisonniers furent encore plus
nombreux a refuser de travailler. Le lendemain, au diner,
plus de la moitie des prisonniers du SHU refuserent de
manger en signe de solidarite avec les grevistes. L'admi­
nistration d'Oak Park Heights en profita pour creer un
second SHU d'une capacite de S2 prisonniers, a.fin d'y loger
les grevistes, les prisonniers y etant places explicitement pour
avoir refuse de travailler. La seule maniere pour eux de ne
plus etre confines dans l'isolement 24 heures sur 24 etait
d'accepter de retourner travailler.
11 est important de noter, comme l'a observe unjourna­
liste, que, dans leurs revendications, les prisonniers :
2.• MN Prisoners Strike for Minimum Wage ", Workers' World, 21 mars 1996.
3. Jennifer Vogel, « Cracking Down " City Pages [Minneapolis), 3 avril 1996.
• Quartier de haute securite.

.. , demandaient en gros le retour aux conditions de deten­
tion en vigueur avant 1994. Entre autres aggravations
survenues Ies deux dernieres annees, il yavait eu la suppres­
sion des Pell Grants*, Ie scel1ement de toutes Ies fenetres
de I'etablissement, Ia limitation drastique du nombre de
vetements et de livres par prisonnier, de nouvelles restric­
tions du droit de visite et la suppression du cable; de plus
Ies visites medicales etaient devenues payantes, ainsi que
le telephone, passe

a 25 cents la communication"'.

Comme dans la majorite des greves et des revoltes surve­
nues en prison, les prisonniers etaient tres raisonnables.
Mais leur conceder Ie moindre pouvoir sur leur existence
est aux antipodes de la maniere dont les prisons fonctionnent
dans ce pays.
Au bout d'une semaine a peine, dans l'etablissement
encore boucle, Ie directeur de la prison, Erik Skon, envoya
des employes s'entretenir avec les prisonniers places al'iso­
lement. I1s n'avaient pas Ie droit de faire de l'exercice ni de
telephoner et ils avaient ete obliges de se laver dans des
cuvettes en metal. Les entretiens avaient pour but de sonder
qui etait " pret " a retourner a son poste.
• Bourses d'enseignement.
4. Nina, • Work Strike at Oak Park Heights Prison " p. 9.

57

56

Les employes poserent done une liste de questions aux
grevistes, entre autres': " Quels sont vos problemes ? Etes­
vous pret aretourner travailler ? Si vous etlez plutot mele a
des prisonniers qui veulent retourner au travail, Ie feriez­
vous ? » En cas de reponses affirmatives suivait une autre
batterie de questions: " Avez-vous besoin de vous sentir un
peu plus protege ? Subissez-vous une pression de la part
de vos codetenus ? » Al'issue des entretiens, vingt-six prison- .
niers refusaient encore de reprendre Ie travail (51. On les pla<;a
dans Ie nouveau SHU.
Skon exprima clairement que les nouvelles restrictions
mises en reuvre, al'origine de la greve, etaient une reponse
al'opinion publique qui souhaitait un traitement plus severe
de la delinquance. Dans une note distnbuee atous les prison­
niers de l'etablissement apres une semaine de bouclage,
Skon ecrivait :
Beaucoup de ces changements [les restrictions 1ont eu lieu
ces dernieres annees acause de l'inquietude grandissante
du public et du legislateur quant aux depenses de fonction­
nement des prisons du Minnesota. De plus, Ie public a
l'impression que les detenus sont beaucoup trop bien traires.
11 ressort de plus en plus clairement que l'augmentation de
5. Vogel, " Cracking Down '.

la delinquance est de moins en moins bien toleree et que Ie

souci de rehabilitation n'interesse plus grand monde [...]
Si l'administration du DOC doit conserver la gestion et la
maitrise de ses etablissements, nous devons donner la
preuve que nous sommes prets a repondre aux attentes
du public.

Dans une interview ulterieure, il ajouta :
N'oubliez pas que, confronte aux questions preoccupantes
[pour les prisonniersJ, les salaires, les visites et l'acces
aux chaines cablees, Oak Park Heights n'a pas He sew a
reagir de la sorte aces nouvelles mesures [... J Je crains que
nos detenus ne pen;oivent pas aquel point d'autres Etats
sont en train de devenir restrictifs l6l •

Aucune concession ne fut accordee aux detenus grevistes.
Le seul changement fut que l'augmentation annoncee de 20 %
pour la cantine ne fut que de 18 %, cbangement rendu poSSIble
par l'interruption de l'abonnement au cable, finance par les
prisonniers eux-memes suite aune augmentation de la cantine.
Par ailleurs. et cela ne surprendra personne, Ie second SHU
est reste en fonctionnement bien apres la fin de la greve.
6. Vogel, • Cracking Down '.

59

58

Comme Pat Clark, Ie dire,cteur national de The Criminal
Justice Project of American Friends Service Committee, l' a
observe tresjustement: ,,1'administration carcerale (d'Oak
Park Heights] a pris pretexte de cet arret de travail pacifique
pour agrandir la capaCite de son SHU(7) ».
Mais la greve a ere une belle demonstration de force de la
part des prisonniers. Skon lui-meme a reconnu qu'elle a ete
" la plus forte tentative d'organisation de detenus que j' aie vue
au cours de mes vingt-deux annees [dans l' administration
penitentiaire] (81. »La couverture par les medias principaux a
ete comme d'habitude sarcastique et denuee d'esprit critique
(un quotidien du Minnesota, Ie Pioneer Press, titrait avec une
allusion aux recentes restrictions du droit de visite : " Oak Park
Inmates Kiss Off Work To Protest New Limits On Lovin * ») (9), mais
la greve a ete relativement bien couverte par la presse " alter­
native». l'arret de travail a aussi monm aux prisonniers eux­
memes qu'lls etaient capables d'une action concertee. Selon
un greviste, detenu it Oak Park Heights depuis huit ans, qui
avait souvent entendu grogner et preparer des actions de
7. Pat Clark, observation non publiee sur I'arret de travail it Oak Park
Heights.
8. Vogel, "Cracking Down ".

•Jru de mot intraduisible entre" kiss off" d partir de " kiss " le baiser, qui donne
vim; envoyer balader, et , loving " [,acte d'aimer.
9. Vogel, "Cracking Down ".

protestations: " Pour la premiere fois, j' ai vu tout Ie monde
d'accord dans la boite llOl • »
Le plus remarquable fut 1'importance du soutien apporte
de 1'exterieur aux grevistes, par des militants pour les droits
des prisonniers, dont la section de Minneapolis de la Love and
Rage Federation et 1'American Friends Service Committee.
La Black Student Union de l'universite du Wisconsin it
Madison et d'autres groupes progressistes de la region de
Madison envoyerent des fax it 1'administration d'OPH en
signe de soutien aux prisonniers llll •
Certains syndicats se declarerent egalement solidaires de
l' action des detenus. Les presidents et vice-presidents locaux
de l' AFSCME* it Madison et it Milwaukee envoyerent des
fax it OPH, pour signifier leur solidarite avec les prison­
niers. l' antenne regionale de la campagne " A Job is A
Right* * »it Milwaukee joua un role important dans Ie lance­
ment d'une campagne de lettres it 1'AFL-CIO***, exigeant que
la federation s'oppose it 1'emploi croissant de main-d'reuvre
10. Vogel, " Cracking Down".
11. " MN Prisoners Strike for Minimum Wage '.

• American Federation ofState, Comte and Municipal Employees, Ie syndicat de

fonctionnaires nationaux, departementaux et municipaux.

•• Droit au travail.

••• Abreviation de American Federation of Labor and Congress of Industrial

Organisations, la federation des syndicats independants.


60
carcerale-esclave. D'apres les propos de Phil Wilayto, coordi­
nateur de l'antenne de "A]ob is A Right» a Milwaukee:
" L'emploi de prisonniers comme main-d'reuvre contractuelle
est un phenomene dangereux et croissant qui represente
une menace pour les syndicats et tous les travailleurs non
prisonniers. » n ajoutait: " C'est la une exploitation choquante
des prisonniers, qui sont parmi les travailleurs les plus
opprimes de la societe. Imposer aces travailleurs des emplois
qu'on leur a refuses a 1'exterieur, et ce pour un salaire reduit,
est un retour a l'esclavage institutionnalise. »
Militant de longue date et avocat specialise dans Ie droit
du travail, Staughton Lynd reagit a la greve par les propos
suivants : « II semble vital que toute action menee derriere
les murs d'une prison participe a une campagne qui s'exprime
egalement a l'exterieur par des actions benMiciant d'une
grande publicite ; les militants detenus devraient immedia­
tement etre soutenus par l'exterieur l12l ». Dans une certaine .
mesure, c'est ce qui s'est passe a Oak Park Heights.
Les prisonniers n'ontjamais cesse de se rebeller contre
l'exploitation qu'ils subissent de la part du systeme carceral.
Mais ces rebellions, en butte a la repression extreme qu'im­
plique Ie regime penitentiaire, ont peu de chances de durer
12. Staughton 1?'nd, • Prison Labor : ADiscussion of Organizing Strategies»
(Premier brouillon), essai non publie, p. 4.

61

longtemps. Sans un fort soutien de 1'exterieur, y compris
celui des syndicats, les·actes de resistance des prisonniers
continueront d'etre sporadiques et ephemeres. La greve
d'Oak Park Heights a marque un reveil du mouvement pour
les droits des prisonniers. Malgre Ie soutien insuffisant qui
n'a pu permettre aux grevistes de tirer de leur action des
benefices tangibles, la greve a ere plus fortement soutenue que
toutes les tentatives similaires de ces dernieres decennies. La
·solidarite entre les travailleurs incarceres et les militants
de l' exterieur reste Ie modele a suivre dans Ie futuro

Prison Legal News, dont sont exttaits les textes
regroupes dans ce volume, est un mensuel consacre
atous les aspects de la vie carcerale aux Etats-Unis.
Fonde en 1990, finance uniquement grace a ses
ventes. il est con~u. anime. imprime et diffuse par
des militants de l'amelioration de la condition peniten­
tiaire. Une grande partie des articles sont ecrits par
les detenus eux-memes et, grace a la legislation
americaine sur la h1>erte de la presse, Ie magazine
peut etre lu en prison. Prison Legal News est actuel­
lement dirigepar Dan Pens et Paul Wright.

Pour plus d'informations, on peut s'adresser a:
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7\'

« L 'esprit frappeur

est itoilant et rieur»
Georges Henein.

1oI11Aa, TrovoiUer, moi ? Jomais !- ORC, Cannabis : lettre ouverle aUJ( Iesislaleurs.
-COUlCIIfRP, Petitclicodes drogues. - MEHD/IA, Rwanda 1994, un genocide fra~ais.
- CARLO III Cll'OI.IA, le poMe, moItur de I'~istoire. - THioPttILI GAUTIIII, le Club
des Hac~icllins luivi de La Pipe d'opium. - PlAUNi, Tout nucleaire ; une exception frallQlise.
- ALlERT HOFMANN, Voyose acide, naissance du LSD - MICHEL StTIoH, P1aieloyer pour
Its sons-popiel'S. - VEAOMtQUE BonHI.w.iE, le Desir hors Ia Ioi. - Ro8ERT CHESNAIS,
SDF, fruonds et cwassins dans Ie Paris du Roi·SoIeil. - GERARD DE MeAVAL, Hisloire du
calife Hoitem. - JASPIA IIKHA, Famine en Coree du Nord. - ELISABETH STUlI, Irma,
femme du C~iapos, entre revoke el vie quotidienne. - MOHAII\ID MAUlT IT PAUL
lows, M'IICISChich. -EHRAGEs AHOHYMES, Inlerdil d'interdire. - HAMS MAGHUS
EHBHsIHGH, Gicago-ballade. - AMTOHtO ESCOHOTADO, Ivresses dans 1'~isIoire. ­
SoI'ttIlIADHAU, Chomeuse ! L'exclusion au pien. - 8R14 IT ROGlA BlilEOCH,
$omr du nucleaire c'est possible - MlCHU GoMEZ, Mai 68 au jour Ie jour. - nMOTHY
lIAAY, Tec~niques du chaos. - CIAC, Cannabis: Nous p1aidons coupallles. - MAAI Tw4lH,
De la Religion. - DAHIU DIfOI, Libertalia. - Le Code Noir. - JULIUS VAH DuL,
Beau comme une prison qui brUle. - DAHIU BUATOH-RoSl, Le Goulag americain. - ,
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